Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/58

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Hélas ! que le Travail tue vite, mille fois plus vite que la Débauche ! Quelle maigre compagne que la Douleur ! Comme les angles de ses os ont pénétré mes chairs ! Comme elle a terni mes yeux ! Comme elle m’a changé !

J’avais un grand-père qui m’aimait beaucoup, que j’aimais infiniment, parce qu’il ne me grondait point et me racontait de belles histoires à dormir debout. Eh bien ! s’il sortait maintenant de sa tombe, le brave homme si cher, il ne me reconnaîtrait plus !

Hæret lateri lethalis arundo !


III

Lecteur, tu parcourras ces lignes au coin d’un beau feu, près d’un ruisseau limpide, sous un chêne au vert feuillage, au pied de la montagne en fleurs. Peut-être m’applaudiras-tu, peut-être me siffleras-tu, comme on fait, dans les cirques, quand les lutteurs sont épuisés. Moi, je me débattrai plus ou moins brillamment, mais vainement toujours, contre les blessures que je me suis faites.

Hæret lateri lethalis arundo !


J’entendrai le rire triomphal des gouvernants et des partis. Ils relèveront, en jurant, mon corps étendu sur le chemin de leurs intrigues, ils saliront ma mémoire maudite, ils battront le rappel de leurs prétoriens sur mon crâne sonore, ils me