Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/63

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Et la bacchante à l’œil verni, la Fièvre rouge, soûle, impatiente, qui fouette les joues et les mains !… que de fois je la souffre ! Elle vient doucement, doucement, glissant le long des veines, comme sur les rails la locomotive qu’on chauffe pour entraîner les wagons. Elle grogne, siffle, hurle, fait un tapage d’enfer, jette des étincelles plein mon cerveau, déplisse les fibres de mon cœur, se démène sur moi comme sur du fer ardent :

Alors, je cours à ma table, j’allume le cigarre flamboyant, j’aspire du feu, je bois de l’eau. Puis j’écris : j’écris des lettres, de la poésie, de la philosophie, du pamphlet. J’ai froid et je brûle, j’aime et je hais, je ris et je pleure. Cela dure deux heures environ. Pendant ce temps, mes pensées débordent comme des torrents ; elles coulent, fuient de toutes parts, et je ne peux les réunir.

Hors d’haleine, sans voix, sans volonté, je subis la tourmente. Puis la lumière se fait et je suis ravi dans mon esprit. Bruyantes, étincelantes, mordantes me viennent les paroles ; je n’ai plus qu’à laisser passer le convoi furieux. Gare devant !

Mais après la tête me pèse, mes flancs sont brisés, une sueur 25 brûlante parcourt mes membres, les visions de malheur reviennent.

Hæret lateri lethalis arundo !


Souvent dans les nuits sombres, mes quatre veines semblent ouvertes ; il s’en échappe quatre