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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/70

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VII


Je suis entré dans la vie par la porte d’airain, la lourde porte qui roule sur ses gonds en criant : Malheur !

29 Cependant je suis ma voie. L’inflexible logique veut que l’homme d’avenir soit étranger parmi ses contemporains, que l’indépendant souffre au milieu des esclaves, que le juste soit persécuté par les tribunaux du privilège. Elle veut que l’intelligence active use promptement sa gaîne, et que, chez les savants hypocrites, l’esprit téméraire soit taxé de folie.

Si c’est là de la Fatalité, comment ne la ressentirais-je point, moi qui la subis et l’affronte ?…

Mais suis-je réellement seul, réellement malheureux ? Non, car si les jouissances matérielles et l’estime d’un monde vénal me sont refusés, je me sens emporté sur ses vagues mugissantes par l’arche sainte de la philosophie, par les solides rames de la justice et du travail. Et je vogue à pleines voiles vers les rivages de la Terre nouvelle. Et je me complais dans le repos, dans l’extase infinie, dans la joie que goûte le penseur quand il a traduit la vibration de son âme.

Oui je la connais, cette ineffable satisfaction des poètes et des hommes libres, satisfaction d’Homère et de Milton aveugles, de Dante proscrit, de Tasso qu’on disait fou, d’H. Moreau manquant de pain !