Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/131

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des tortures, depuis le coup d’épingle jusqu’au supplice en plein jour, jusqu’à la guillotine, au poteau d’infamie ; on ne prononce leurs noms qu’à propos de désespoirs ou de vengeances ; ils ne ramassent leur pain que dans l’ombre et la souffrance !… Hideux ! !

Faites donc comprendre aux porte-clefs, aux valets de pouvoir, que tous les hommes doivent respect à toutes les femmes ; consolation à celle qui pleure, encouragement à celle qui lutte, aide à celle qui souffre, admiration, sympathie, défense à celle qui plie sous le poids d’une condamnation injuste… Autant vaudrait supplier un chien de chasse de lâcher la perdrix dont il attend les os !

Oh que le contact de pareilles gens fait souffrir de nobles cœurs ! Oh que Madame Lafarge devait saigner dans sa dignité quand ils entraient en sa cellule comme en pays conquis, quand ils violaient sans pudeur le dernier refuge de l’adversité, le suprême 351 asile de la pensée ! Oh qu’elle devait trembler, la pauvre, grincer des dents, maudire et mourir, quand il lui fallait les recevoir à toute heure, dans tout état  : couchée, moitié vêtue, quand elle suait la fièvre, quand elle râlait, quand l’inspiration la rendait folle ! Et combien ils devaient se mépriser eux-mêmes, ceux qui consentaient à recevoir le pain de leurs enfants arrosé du sel de ses larmes !

Ah ! s’il vous faut bien manger et bien boire, oisifs et parasites, minuteurs d’arrêts de mort, bourreaux à froid, écrivassiers de prisons et de