Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/139

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crépus. Et simulant l’effroi, elles fixaient cet œil et disaient au pauvre enfant malade : « regarde, pleure, grince des dents, petit misérable. Dieu te voit et connaît tous tes péchés ; c’est lui qui te fait souffrir : la souffrance est sainte ! »

Et quand les petits garçons aimants leur tendaient les bras : « il nous est défendu d’aimer, leur répondaient-elles. N’avez-vous pas honte de vouloir nous embrasser ? L’amour est un crime ! »

Et j’en frémis, et j’en pleure, et j’en aime mille fois davantage la bonne mère qui me donna son lait, elle les frappaient, les pauvres enfants dont les parents étaient absents !

Et quand le Dimanche, les mères venaient, pieuses, à l’hôpital, elles leurs faisaient mendier longtemps la vue de leurs bien-aimés. Et lorsqu’enfin elles laissaient embrasser à leurs mères les enfants malades, ce n’était jamais que sous la stricte surveillance et le regard doux-amer de l’une d’elles. Ah n’est-ce pas, religieuses du bon Dieu, que ce sont des secrets bien dangereux, ceux qu’une mère affligée peut confier à son enfant qui souffre ? !

… Et l’administration aux griffes de vautour, aux yeux de lynx, l’administration pateline pour qui bienfaisance, médecine, religion, respect humain, amour du semblable, pitié ne sont rien que des mots, des objets de spéculation et de trafic, l’administration qui veut vivre et mourir en odeur de sainteté, seconde de tout son pouvoir le zèle homicide des religieuses !