Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/197

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taient, frémissants. Je voyais alors des guerriers colossaux, des chevaux ailés, des escadrons 392 couverts de poudre, des machines de guerre formidables. Le fracas des armes ébranlait terre et ciel ; ma fièvre se répandait sur toutes choses existantes.

Et je croyais assister aux grands combats de Viriathe ou du Cid. Le sang coulait dans le lit poudreux des torrents, les mourants élevaient aux cieux leurs têtes suppliantes, et les nuages s’étendaient sur eux comme de grands linceuls. J’entendais au loin le roulement des fourgons, la plainte des échos frappés, les cris de rage et de victoire confondus avec le bruit des trompettes éclatantes et le rappel lugubre des tambours de guerre.

Rouge était la montagne, rouge la nuit et le soleil couchant, rouge les étoiles et la voûte qui les supporte. La sierra sauvage resplendissait comme une cuirasse ensanglantée. Au fond était l’Enfer, béant, inassouvi, regorgeant de tortures ; tantôt éclairé, tantôt oublié par le soleil, il s’ouvrait et se refermait sur sa proie.

Et mon imagination grandissait, s’enflammait, délirait au milieu de cette tempête de visions activée par le souffle des rafales. Et je m’écriais, haletant : C’est la lutte des anges rebelles, la grande bataille des éléments, l’empire du Chaos, le Commencement et la Fin, l’atelier toujours fumant où les mondes s’allument, se combinent, se subliment et se fondent : l’Infini ! l’Infini ! !