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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/268

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Voyez bondir le noble coursier ! Il s’avance vers la bergère aux jambes nues et lui montre ses belles dents en relevant la lèvre. Il implore son assistance. Ses grands yeux sauvages se remplissent de larmes : il attendrirait des rochers !


Voyant le coursier noir piétiner sur sa bride traînante, libre et sans selle au dos, les troupeaux bêlants s’enfuient par la campagne. — Les esclaves, hélas ! ne peuvent supporter la vue d’un être libre !

— « Maudit soit l’animal qui vient disperser mes bêtes paisibles ! » Et de son bâton noueux la rude paysanne marque la mesure de ses paroles sur la croupe déliée du coursier batailleur.

— « Sotte enfant du village, lui répond Furious, quand mon maître me touchait, c’était avec la pointe de son glaive fumant ou bien avec les dents de ses éperons d’or. Et jamais il ne me touchait que si, blessés tous deux, nous avions besoin de ranimer l’un par l’autre nos forces défaillantes.

« Je te pardonne cependant parce que tu es ignorante et faible, parce que tu ne sais pas le nom de qui tu frappes, parce que la douleur remplit mon âme et n’y laisse plus de place à mon ancien orgueil. »

Il dit ; et du côté du guerrier tournant sa tête en pleurs, il le montrait à la jeune fille.

— Et elle à lui : « Que me font les cadavres ? Puis-je les rappeler à la vie ? Ne sais-tu pas qu’un taureau vivant vaut mieux que dix chevaliers