Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/276

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puyait, fatiguée, sur mon bras tremblant. Et j’avais peine à retenir mes larmes ; elle était si belle, si malheureuse !

— « Ami, me dit-elle, tu es jeune, tu es bon. Devant toi sont étendus, comme des champs fertiles, longs jours de bonheur et longues nuits d’ivresse.

443 » Tu cueilleras des fleurs, des bleues et des rouges, des violettes, des marguerites à la couronne d’argent, des boutons d’or. Tu les sèmeras dans les cheveux de jeunes filles plus heureuses que la pauvre Sarah qui se meurt ! Et moi je partagerai ton allégresse, et je te bénirai depuis le séjour des anges !

» Je ne te demande pas cet amour fortuné, délire des sens, fait pour celles qui se portent bien. Car je serais consumée par cet amour comme l’humble bruyère, par l’incendie de la forêt.

» Mais je voudrais emporter le premier souffle de ton cœur. Oh ! donne-le moi par pitié ! Répands quelques vers sur mes paupières lassées, mes mains fiévreuses, mes joues brûlantes, et mes blanches dents qui vont devenir la pâture, oh ! la pâture des vers ! !…

» Viens, viens avec moi près des tombes des bienheureux ! Nous nous reposerons sur la terre brune. Et je serai la fiancée de ton âme. Et dans cette même place où nous aurons récité des vers, je demanderai qu’on me couche dans quelques jours. Et tu seras l’ange gardien de ma mort ; et je serai, je serai, moi, l’ange gardien de ta vie ! —