Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/318

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aux proportions absolument indispensables pour confectionner une tête d’épingle ! Il faut qu’il en arrive à maudire le Travail, la Découverte et l’Industrie dont il est la victime, l’Humanité qui le laisse mourir de faim, le Dieu qu’ont créé les générations craintives, le père et la mère qui l’ont mis au jour, les enfants auxquels il a repassé le funeste présent de la vie ! Il faut qu’il se laisse mourir de lassitude et de faim au foyer de famille ! Il faut que le petit nombre seulement en finisse par le suicide avec cette vie mourante ! Il faut que la sombre folie, la maladie languide déciment le reste ! Il faut que, trois fois par semaine, le pain manque à l’homme pour qu’il ait enfin recours à la raison suprême, foudroyante, qui du bras de l’opprimé s’abat sur la poitrine de l’oppresseur !


III


Dans les grands centres manufacturiers la transformation et la circulation des valeurs ne s’arrêtent jamais. On risque, on subventionne, on agiote, on remue tant ; il se fait tant d’affaires, il y 470 a tant de capitaux engagés, tant d’industries en haleine, tant de révolutions, de découvertes, d’expériences, d’entreprises de toute espèce, tant de casuel, de hasards, de chances, de revirements, de constructions, démolitions et décombres que le chiffonnier peut y vivre, que le travailleur y rencontre souvent un haillon de manteau royal, un