Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/328

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traduisez devant vos cours criminelles l’homme qui, provoqué, sous mis, affamé depuis des siècles, renaît pour un instant à la conscience de sa valeur et couche à ses pieds un de ses assassins ! Pourquoi la société met-elle un de ses membres dans cette nécessité suprême ? Lui, répond à l’attaque ; il ne fait que se défendre, que conserver sa vie, revendiquer, se réhabiliter, se justifier à ses propres yeux, aux yeux de tous les hommes, pour avoir subi si longtemps un esclavage infâme. Il lui faut vivre enfin, à quel prix que ce soit ! Et malheur aux hommes qui prospèrent dans des sociétés en souffrance d’inanition ! !

Hélas ! quand l’industrie, quand le gouvernement d’un peuple sont trop pauvres pour occuper, pour secourir les indigents, quand la propriété scindée, grevée d’impôts, agonisante dans un souffreteux égoïsme ne peut même faire l’aumône du pain, il arrive de toute force que les congrégations religieuses prennent de l’influence. Car elles recherchent l’autorité plus que le gain, car elles savent et peuvent faire encore les sacrifices nécessaires pour atteindre leur but.

Combien des plus pauvres de Turin seraient morts dans le rude 476 hiver de 1855 sans les distributions de soupes que faisaient chaque jour les moines à la porte de leurs couvents ! Que de crimes a prévenus l’assistance de ces religieux ! Hélas ! que deviendront tous ces malheureux pendant l’hiver dont les tristes rigueurs s’annoncent déjà ? Mordront-ils dans les murs des propriétés,