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VI


« La misère au cœur dur, notre nourrice immonde,
Nous marqua pour la peine et pour l’obscurité. »
A. Barbier.


Le soleil se refuse à éclairer de plus grandes infortunes ; les ténèbres sans pudeur recueillent les très atroces sous leur froid manteau.

Dans les villes opulentes, sous les demeures des hommes, au sein de la terre éventrée passent des tuyaux sans nom, aqueducs pour les résidus, les nécessités les plus rebutantes de la vie matérielle. Là stagnent des eaux épaisses, saumâtres, noirâtres, verdâtres, jaunâtres, fétides, empoisonnées. Le rat au poil sordide, la souris aux dents creuses, l’araignée repoussante, les mouches aux ailes muettes qui voltigent sur les ordures, le crapaud gluant, le ver cadavéreux et les milliers de créatures monstrueuses qu’enfante la Corruption y pullulent à l’aise, grouillant, faisant ripaille, s’adorant dans les fanges ! À la surface, au fond de ces ruisseaux infects se rejoignent enfin les débris de l’Opulence 483 et la Misère, les restes de couronnes et le crochet du chiffonnier, les haillons de bure et les lambeaux de pourpre, le vieux cuivre et l’or de la Monnaie, le diamant et le pavé. L’égalité n’est pas sur terre, elle n’est pas dans la tombe ; des vidangeurs m’ont affirmé qu’elle se traînait, mourante, dans les égoûts ! !