Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/340

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Attardez-vous la nuit par les rues des capitales, et vous verrez disparaître dans ces fosses béantes des hommes qui ont une âme, des yeux et des narines comme les nôtres, ceux qu’on appelle l’écume et la lie des sociétés, la part de la Mort !

Oui, la part de la Mort ! les inculpés de pauvreté, les retranchés de par l’économie politique, les parias, les giaours, les blancs-noirs ! Ceux qu’on dérobe à la vue des riches dont ils irriteraient les nerfs et fatigueraient la pitié ! Les spectres qui rôdent à la lueur des torches, tant que dure la nuit, dans les catacombes de Paris souterrain ! Ceux qui achètent le triste pain du jour par la lassitude et l’insomnie des nuits !

Et dire que l’offre de travaux si répugnants, si fatalement, si rapidement mortels est encore supérieure à la demande ! Dire qu’il y a presse et foule dans les latrines ! Dire que la misère est si criante, si folle de besoin qu’il est des milliers d’hommes jeunes contraints d’acheter la vie de chaque jour en cédant à la faim des années d’existence ! Et penser qu’il existe, par capitale, trois ou quatre bourreaux immondes qui spéculent sur les déjections humaines, y ramassent de colossales fortunes, y plantent la souche de leurs races fameuses, et disent tous les matins en se frottant les doigts :

« L’or sent toujours bon. Les ouvriers qui meurent en travaillant pour nous s’en vont au paradis. Nous faisons de bonnes recettes chaque nuit, et nous marierons nos filles aux prétendants rui-