Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/344

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trafic. Et que tu te vendras !… Et que le gouvernement impérial ou républicain d’alors fera maintenir avec les baïonnettes ce bel ordre public ! Ne vends-tu pas déjà, prolétaire, ta femme et tes enfants au hideux monstre de la production privilégiée ? Ne les abandonnes-tu pas, éperdus, sous les roues des engrenages qui les triturent comme des fétus ? N’est-ce pas ta voix qui criait dans nos émeutes dernières : mort à ceux qui ne respectent pas la propriété sainte ! ?

Et bien ! puisque le sanglant malentendu s’éternise, — puisque la mort du pauvre ne peut être conjurée, — puisqu’il faut, Révolution impitoyable, que tu te vautres dans le sang des hécatombes humaines ; — puisqu’il le faut… Passe donc ton chemin, Révolution, en brûlant tout, comme la foudre ! Et que nous cessions de voir les fils des hommes plus malheureux que les oiseaux de nuit, perdant sur le travail des veilles la lumière de leurs yeux !

Écoutez dans la nuit noire ! Le marteau sonne le glas de mort du pauvre. Les étincelles charbonnent ses sourcils ; le feu grille sa peau ; les faix pesants courbent sa taille et détendent les muscles de son bras. Tout repos, tout sommeil sont ravis à la postérité de Caïn le rebelle. Elle passe sur terre, morne et déprimée dès son enfance ; on dirait une condamnée à mort, ou bien encore une détenue à vie qui n’a d’autre espoir que la tombe !

L’Enfer est sur la Terre !