Dans les hôpitaux de la Charité, de Saint-Antoine, de Beaujon, de Necker et de Saint-Louis sont traités tous les ans, par centaines, les malades atteints de la colique de plomb. Les médecins les blanchissent à peu près ; puis les renvoient à la fabrique qui les dirige de nouveau sur l’hôpital. Au bout de quelques voyages semblables, ces infortunés, épuisés par les ravages alternatifs du poison et du contre-poison, trouvent enfin dans la mort le repos qui leur a été refusé pendant la vie. Mais avant de les endormir du doux et long sommeil, combien d’étapes a semées la maladie sur le chemin de leur Calvaire !
À l’hôpital Necker j’ai suivi de mes yeux des tortures que mon imagination n’aurait pas soupçonnées dans ses plus grands écarts. Je vois encore se traîner à la consultation des ouvriers amaigris, terreux, livides, chancelant sur leurs jambes, ne pouvant plus rien tenir dans leurs mains. Il faut que le mal en soit arrivé là pour que leurs patrons se décident à les envoyer aux médecins ! La charité n’a plus d’autres mobiles sur terre que la mauvaise honte et la pudeur in extremis ! S’ils ne redoutaient pas les clameurs de l’opinion, les maîtres feraient mourir les ouvriers à la tâche, à la peine, sur place. L’hôpital leur sauve ce dernier remords et les débarrasse des cadavres.
Quand les malheureux entrent dans les salles encombrées, on les étend sur des lits où ils se raniment assez pour devenir plus sensibles aux atteintes de leur mal. Je me les représente encore