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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/409

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rives, ô cher lac enchanté ! Nos frères du Léman sont tristes et solitaires ; la nature qu’ils habitent est trop vaste pour leurs ailes et pour leurs voix ; ils ne peuvent ni se parler, ni se poursuivre d’un bord à l’autre de l’immense nappe de cristal ; ils sont divisés comme les hommes : les uns restent Suisses, les autres Savoyards.

» Ô radieux Été ! pendant tes jours de fête, nous n’avons pas à craindre le fusil du chasseur. La caille au rappel sonore et la perdrix glaneuse peuvent chanter à plein gosier les moissons et la verdure ! »


IV


Ce sol que mes pas mesurent, celui-là le foula qui s’appelait Jean-Jacques. Sur la colline prochaine on peut voir les ruines de la maison qu’il habitait[1]. Au milieu de cette nature calme se re-

  1. Le culte des grands hommes ne rapportant rien encore dans la pauvre Savoie, le propriétaire de l’emplacement sur lequel est situé l’ancienne maison de Mme de Warens, laisse les orties se repaître de ses dernières pierres. Dans quelques années, quand les bords du ravissant lac d’Annecy seront mieux appréciés et plus visités par le gros des touristes, ce même propriétaire se sentira pris d’une vénération subite pour la mémoire du citoyen de Genève et fera pieusement relever sa demeure. Oh le fameux traquenard que ce sera pour le positivisme enthousiaste des Insulaires ! — Qu’on vienne me dire après cela que les propriétaires ne sont pas artistes, intelligents et sensibles ! Ils daignent faire entrer dans leurs profondes spéculations la célébrité d’un pauvre diable de philosophe……