là tes intentions, ô peuple, excellent peuple, dont le nom et les votes sanctifient tout ? !
Sachez-le donc, ô vous de la censure ! Celui qui peut concevoir des pensées les publie malgré tout ; ce sont les moyens de vulgarisation qui manquent le moins. S’il me plaît, par exemple, de faire paraître un livre qui vous déplaise, je suis certain de l’avoir imprimé, répandu, fait connaître avant que le plus vigilant de vos argousins ait seulement frotté ses yeux pour s’éveiller. Car je travaille pour moi, tandis qu’eux, les mendiants, festoient à vos dépens.
Sachez-le ! Il y a dans la volonté et la discrétion une puissance invincible. Vous avez soldats et fonctionnaires de toutes bouches, fonds publics et fonds cachés. Eh bien ! je suis plus fort et plus riche que vous. J’ai pour moi la Franchise et l’Idée. Et ces deux auxiliaires ne se paient ni à prix d’or, ni à prix d’infamie, de déshonneur, du mépris de soi-même et de la malédiction des autres. Je n’ai pas besoin de tremper le bec de ma plume dans le sang, comme vous y trempez la pointe de vos sabres. Je n’ai 558 pas besoin de me retrancher derrière une garde de prétoriens, de vicieux et manants personnages. Je dépends moins du public que vous.
Sachez-le ! Vous n’achetez jamais que des services à vendre, vous ne pénétrez jamais qu’en des consciences violées, vous ne pouvez séduire avec l’argent que des intelligences de seconde main.