Page:Cœurderoy - la Barrière du Combat.djvu/17

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Mais, de grâce, n’établissez pas de cause à effet un rapport qui n’existe pas ; ne confondez pas le petit groupe de Français humanitaires avec la nation française chauvine, vantarde, amoureuse de soi et par dessus tout gasconne.

Dites que cette minorité imperceptible a toujours combattu pour la solidarité des peuples ; dites que Lafayette, Carrel, Laviron, Barbès, Raspail, pour n’en pas nommer d’autres, furent les soldats de ce principe ; dites que les manifestations avortées du 15 mai et du 13 juin ont été entreprises pour soutenir cette idée, et vous serez dans le vrai.

Mais ne venez pas dire que c’est la nation. La nation ! savez-vous où elle a toujours été ? Elle était avec les armées conquérantes de la République ; avec sa Convention, qui refusait des secours à la Pologne épuisée, sous le prétexte que Kosciusko était né gentilhomme ; elle était à Saint-Domingue, en Italie, à Saragosse ; elle élevait des colonnes et des arcs de triomphe à son grand empereur ; elle était en Espagne, avec le duc d’Angoulême ; en Afrique, avec Bourmont, Bugeaud, Changarnier, Cavaignac, Lamoricière et Pelissier ; elle tirait des coups de canon et des feux d’artifice en l’honneur de la prise d’Anvers ; elle réclamait à grands cris les limites du Rhin ; elle laissait sacrifier la Pologne ; elle entrait à Rome avec le duc de Saint-Pancrace.

La nation ! elle approuvait le poétique manifeste de Lamartine, et la fin de non-recevoir que sa représentation impuissante envoyait, le 15 mai, aux peuples soulevés en votant : « l’affranchissement de la Pologne, l’indépendance de l’Italie et le pacte fraternel avec l’Allemagne. » Elle fut toujours solidaire en paroles, oppressive en actions.