Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il donnait aux gens du pays qui le rencontraient l’impression « d’un être mystérieux élevé au-dessus des autres mortels et capable d’entretenir des rapports avec le monde des esprits[1] ». Cette absorption n’était cependant pas telle qu’il ne s’intéressât à tout ce qui lui tombait sous les yeux.

Dans la nature, tout, on peut dire, excitait son enthousiasme ; il ne se lassait pas de ce spectacle incessamment renouvelé. Une anecdote assez plaisante témoigne de cet amour pour les moindres productions du Créateur.

Il se promenait avec un ami dans la campagne, quand il vint à heurter contre une barrière et à s’étaler lourdement de tout son long. Ne voulant pas l’humilier dans son amour-propre (n’oublions pas qu’il s’agit ici de deux Anglais), son compagnon affecta de n’avoir rien vu ; au bout d’un moment, ne le voyant pas se relever, il s’approcha de plus près et surprit notre poète, toujours la figure contre terre, en train d’examiner, avec l’attention la plus soutenue, une flaque d’eau qui bordait la haie. Supposant qu’il cherchait quelque chose qu’il avait perdu, l’ami offrit ses services. Alors Tennyson se relevant lentement sur ses mains et sur les genoux, et tournant vers son interlocuteur son visage rayonnant : « Quelle imagination,

  1. Memoir, 66.