Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/208

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qui devait être, pour le vibrant artiste, le prélude de si vives joies et de non moins vives désillusions ; nous la reprenons à la source où nous l’avions naguère empruntée[1].

« Grâce à son organisation délicate et nerveuse, à sa nature de sensitif, Chopin souffrait de tous les changements de température, et il était porté à considérer comme des avertissements d’en haut les émotions, les défaillances qu’il ressentait. Un jour, il avait plu constamment, et lui qui ne pouvait supporter l’humidité, tomba dans une disposition très sombre. Il n’avait reçu aucune visite, aucun livre nouveau n’était venu le distraire, aucune pensée mélodique ne s’était offerte à lui pour prendre forme.

« Vers 10 heures, il se souvint que c’était le jour où la comtesse C… réunissait un cercle de gens agréables et spirituels. En montant l’escalier couvert de tapis, il lui sembla être suivi d’une ombre d’où s’exhalait un parfum de violettes… Un pressentiment traversa son âme comme si quelque chose de personnel et de mystérieux lui arrivait : il fut sur le point de retourner chez lui ; mais souriant de sa superstition, il franchit rapidement les dernières marches.

« Après avoir salué la maîtresse de la maison, il s’assit à l’écart, plus disposé ce soir-là à écouter

  1. Gazette anecdotique, 1879, I, 158 (d’après une étude de M. Audley, parue dans le Correspondant).