Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment changé », « qu’il ne s’appartient plus, fuyant d’une place à l’autre », sans pouvoir se consoler ni s’occuper de rien. Il « compte les minutes », demande à tous les commissionnaires s’il n’y a pas de lettres pour lui, mais reçoit toujours la même réponse : Non ! et il revient dans sa modeste chambre qui lui est « devenue odieuse ». C’est, d’après quelqu’un[1] qui paraît l’avoir bien jugé, « une nature complexe, nerveuse, dont les dispositions changent très souvent, avec une tendance naturelle à la mélancolie ; une nature très fière et cachée, qui a une haute opinion d’elle-même, et la conviction qu’un jour viendra où elle saura justifier cette opinion ».

Marquons, au passage, un trait qui n’est pas négligeable pour éclairer la psychologie du personnage : Gogol n’a jamais connu l’amour ! La femme ne joue qu’un rôle secondaire dans son œuvre, elle n’en a joué aucun dans sa vie. Est-ce timidité, est-ce orgueil ? Cet éloignement du sexe peut-il s’expliquer par une conformation physiologique d’une nature spéciale ? On comprendra notre réserve et notre hésitation à nous prononcer, à défaut de confidences que l’intéressé ni ses proches n’ont jugé à propos de nous livrer.

On a reproché à Gogol de n’avoir pas su peindre

  1. Kotliarevsky, cité par L. Léger.