Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/30

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« Quel mauvais génie, s’écriait-il dans une heure de désespérance, a donc jeté dans mon âme cette horrible défiance, qui me fait soupçonner ruine et malheur dans une parole, dans un regard, voire dans la plus futile circonstance indépendante de toute volonté humaine ! »

Un jour — c’était en l’an 1809 — il assistait à un bal et se sentait la joie au cœur : enfin, pensait-il, je vais me divertir sans arrière-pensée ; quand soudain l’idée lui vint qu’il était « multiplié comme par un polyscope ». Toutes les figures qui s’agitaient devant lui, lui apparaissaient ses propres images, et il s’irritait contre leurs faits et gestes. Cette idée s’empara de lui à un tel point qu’elle devint une véritable obsession.

Il avait aussi des impulsions subites, des accès de colère, motivés par les plus minces prétextes. Un de ses auditeurs restait-il impassible devant ses plaisanteries, il s’emportait contre lui, et n’avait de cesse qu’il ne l’eût obligé à quitter la place. Un jour, il lui arriva de lancer un verre d’eau à la tête d’un de ses amis qui avait eu le tort d’impressionner désagréablement ses oreilles, en chantant faux une ariette de Mozart !

« La poésie d’Hoffmann était maladive » a déclaré Heine ; c’est qu’en effet, si l’on a pu souvent constater que la personnalité de l’écrivain se retrouve dans ses productions, pour Hoffmann non seule-