Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/366

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à rien, ne s’expliquait par aucun motif et dépassait de beaucoup les gamineries ordinaires que pourrait se permettre un jeune écervelé ! Un des doyens les plus considérables de notre club, Gaganoff, homme âgé et ancien fonctionnaire, avait contracté l’innocente habitude de dire à tout propos, d’un ton de colère : « Non, on ne me mène pas par le bout du nez ! » Un jour, au club, il lui arriva de répéter sa phrase favorite. Au même instant, Stravoguine, qui se trouvait un peu à l’écart et à qui personne ne s’adressait, s’approcha du vieillard, le saisit par le nez et le tirant avec force l’obligea à faire ainsi deux ou trois pas à sa suite… Les témoins de cette scène racontèrent plus tard qu’au cours de l’opération la physionomie du jeune homme était rêveuse, comme s’il avait perdu l’esprit… L’incident provoqua un vacarme indescriptible… Stravoguine, sans répondre à personne, se contentait d’observer tous les visages… À la fin, fronçant le sourcil, il s’avança d’un pas ferme vers Gaganoff : « Vous m’excuserez, naturellement… Je ne sais pas, en vérité, comment cette idée m’est venue tout à coup… Une bêtise… »


Mais cet obsédé, cet impulsif, n’était pas un épileptique, puisqu’« il comprenait très bien l’acte qu’il venait de commettre et, loin d’en éprouver aucune confusion, souriait avec une gaieté maligne, sans repentir ». Il finit par un accès de folie furieuse, ce que les spécialistes appellent de l’excitation maniaque conformément à ce qu’on observe dans les asiles.

Dans le même roman de Possédés, se trouve une autre observation de manie, que l’on croirait rédigée par un de nos confrères, expert en maladies mentales.

Le gouverneur, le chef administratif de la pro-