Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/56

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Il se propose d’aller s’installer à Montmorency et fait déjà ses préparatifs de voyage. Quant aux médecins, il ne veut plus en entendre parler : « Tout ceux qui sont morts cet hiver ont été soignés par un médecin », ironise-t-il à son ordinaire.

Le ton des lettres à sa mère est, cependant, toujours optimiste, mais c’est pour ne point alarmer un être adoré. Il se livre davantage dans les épîtres qu’il adresse aux correspondants qui lui tiennent moins à cœur.

« J’ai passé un terrible hiver, écrit-il, le 13 avril 1847, à sa « petite fée », Mme  Caroline Jaubert, la « marraine » d’Alfred de Musset, et je suis étonné de n’avoir pas succombé. Ce sera pour une autre fois… Au bout du compte, la chair cache la beauté qui ne se révèle dans toute sa splendeur idéale qu’après qu’une maladie ait animé le corps[1] ; quant à moi, je me suis adonisé, à l’heure qu’il est, jusqu’au squelettisme. Les jolies femmes se retournent quand je passe dans les rues ; mes yeux fermés (l’œil droit n’est plus ouvert que d’un huitième), mes joues creuses, ma barbe délirante, ma démar-

  1. Dès 1828, Heine écrivait : « Les malades sont plus distingués que les gens bien portants. Car il n’y a que le malade qui soit un homme. Ses membres racontent une histoire de souffrances. Ils en sont spiritualisés. Je crois même que par la souffrance et ses luttes douloureuses les animaux pourraient parvenir à l’état d’homme. »