Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

che chancelante, tout cela me donne un air agonisant qui me va à ravir !… J’ai, dans ce moment, un grand succès de moribond. Je mange des cœurs ; seulement je ne peux pas les digérer. Je suis à présent un homme très dangereux, et vous verrez comment la marquise Christine Trivulzi[1] deviendra amoureuse de moi ; je suis précisément l’os funèbre qu’il lui faut. »

À la suite d’une visite du poète malade, le 26 novembre, et encore sous l’impression qu’elle en a ressentie, la destinataire de l’épître qu’on vient de lire transcrit cette note attristée :

« Henri Heine est venu me voir… Me voir ? hélas ! ses paupières paralysées tiennent ses yeux fermés. Le mal paraît grandir. Son pauvre corps n’a plus que le souffle, mais l’esprit a toute sa vigueur. Il m’a parlé de sa mère qui habite Hambourg. Il lui écrit tous les jours pour la rassurer, quelque pénible que soit pour lui cette tâche dans l’état de sa vue. »

Presque à la même date, en effet, il rassure sa bonne maman sur sa santé :

« Jamais encore, lui dit-il, depuis deux ans, je ne me suis senti si frais et si dispos. »

Pieux mensonge ; et comme les gazettes alle-

  1. Nom de famille de la princesse Belgiojoso.