Page:Cabanis - Rapports du physique et du moral de l’homme, 1805, tome 1.djvu/101

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que sont les plus grands visionnaires ; et comme ils ont médité soigneusement, ils ont beaucoup de peine à revenir de leurs erreurs. Leur langage est plein de force et d’imagination ; c’est celui d’hommes persuadés : ils y portent souvent des expressions neuves et des formes originales. Ils sont propres à beaucoup de choses, mais rarement à ce qui demande de la promptitude et de la détermination dans l’esprit ; d’ailleurs d’une défiance d’eux-mêmes, qui ne nuit pas seulement à leurs succès dans le monde, mais encore à la perfection même, et sur-tout à l’utilité de leurs travaux.

Quant à leurs passions, elles ont un caractère de durée, et, pour ainsi dire, d’éternité, qui les rend tour-à-tour très-intéressans, et très-redoutables. Amis constans, ils sont implacables ennemis. Leur timidité naturelle les rend soupçonneux ; leur défiance d’eux-mêmes les rend jaloux. Ces deux dispositions se trouvent singulièrement agravées par une imagination qui retient obstinément et combine sans cesse les impressions les plus légères en apparence, et pour qui les moindres choses sont des événemens : et lorsque la réflexion, qui les porte aux habi-