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son secours, le traducteur peut aborder un texte devant lequel il eût peut-être reculé.

Toutefois, les notes d’Heinsius, jointes à celles de Burmann, de Lennep et de M. Amar, n*ont pu réussir à combler toutes les lacunes, à redresser tous les passages, à renouer le fil des pensées, et à diriger la logique du poëte. Elles ont laissé plus d’un sens à éclaircir, plus d’une énigme à deviner ; Lors donc qu’il sera arrivé au traducteur d’hésiter en secret dans certains endroits, tout en étant, par devoir, obligé de se prononcer en public, il espère que la critique usera d’indulgence à son égard, et fera la part aux difficultés du texte.

S’il nous était permis d’exprimer notre jugement sur l’auteur des trois héroïdes dont nous donnons la traduction, nous trouverions en lui plus à louer qu’à reprendre. Il n’a pas sans doute le génie facile, la brillante poésie et l’élégante diction de son modèle ; il manque parfois de liaisons dans ses idées, de moelleux dans ses phrases et de clarté dans son style ; il abuse de l’érudition à un tel point, qu’on ne saurait, en quelque sorte, le comprendre qu’à faide d’un dictionnaire de l’antiquité. Mais, quoique ses vers n’offrent pas constamment une latinité pure et correcte, ils sont généralement doux et coulants. Quant au fond des pensées, il fait preuve d’esprit, est cet esprit n’est pas dénué de malice ; c’est celui des contes de Boccace et de La Fontaine. Outre cela, il ne s’attache pas tellement à subtiliser ses idées, qu’il ne laisse quelque place à la passion et aux douces émotions de l’âme. Dans chacune de ses héroïdes, et particulièrement dans l’épître de Démophon à Phyllis, il déploie une vive imagination et une sensibilité délicate, il émeut, il attendrit ; et, surpris de l’heureuse inspiration du poëte, le lecteur s’imagine un instant qu’Aulus Sabinus lui est rendu, ou qu’Ovide lui-même s’est fait l’ingénieux interprète des sentiments de son ami.

Afin de répandre à la fois plus d’intérêt et de clarté sur les héroïdes de Sabinus, nous allons donner une rapide analyse de celles d’Ovide. La connaissance de ces lettres fera mieux apprécieret comprendre les réponses de notre auteur.

Dans la lettre que Pénélope écrit à Ulysse, elle se plaint de la lenteur du retour de son époux, et s’abandonne à de tendres alarmes. Le sort de Troie est décidé, les Grecs sont de retour ;