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évidemment, la jeune femme semblait contenir avec peine l’envie de se débarrasser par un coup d’éclat d’une hostilité hypocrite, mais permanente.

La femme de charge avait cinquante ans, et gouvernait la maison depuis un quart de siècle. Madame Élisabeth Verdier en avait vingt et un et comptait trois années de mariage seulement.

Son premier mouvement, quand elle se retrouva seule, fut de donner un coup d’œil à la pendule, puis de s’empresser à l’achèvement de sa coiffure. Mais, peu à peu, la vivacité fébrile qu’elle mettait à ces soins de toilette s’éteignit : sa main oubliait pendant plusieurs minutes, sur la table, le peigne à lisser les bandeaux, l’épingle à retenir les nattes. Ses yeux, au regard vague, erraient sur les objets extérieurs sans les voir, ou bien se fixaient avec un pareil désintéressement sur les flammes bleues qui couraient parmi les tisons du foyer.

Son visage prenait alors une morne expression de tristesse ou d’ennui. Puis, parfois, comme si devant son imagination eussent défilé des tableaux changeants et successifs, une lumière s’allumait dans ses yeux mornes, et transfigurait ses traits abattus. Par d’autres moments, c’était une larme qui brillait au bord de ses cils. Enfin mille signes trahissaient une violente agitation intérieure.

Évidemment, la fête qu’elle allait présider ne causait pas cette agitation, car elle semblait accorder peu de recherche à l’arrangement de sa coiffure, fraîchement arrivée de Paris. À peine redressa-t-elle les fleurs qui s’étaient accrochées aux barbes de tulle, et courba-t-elle, selon les lignes de son visage, la tige de laiton qui portait le frêle et coquet édifice.