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Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/272

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châtaigneraies. Souvent Marguerite avait reconduit Emmanuel jusqu’à son cheval, qu’il attachait au coin d’un bois, dans une masure abandonnée, puis Emmanuel revenait sur ses pas pour la reconduire à son tour.

Cette nuit-là ils recommencèrent plusieurs fois le même manége. C’était une si belle nuit !… La lune jetait à travers les clairières de telles nappes de lumière ! les gouttes de rosée brillaient tant à la pointe des bruyères ! les bouleaux à troncs blancs et à feuilles tremblantes balançaient si élégamment leurs panaches au souffle de la brise !… D’ailleurs les belles nuits allaient devenir rares… Ils avaient bien des choses à se dire… Qui savait au juste quand ils pourraient se revoir ? Et puis Emmanuel voulait obtenir la permission de se servir de cette clef de la tour qu’il avait fait faire… Marguerite refusait, malgré les nécessités évidentes de se créer un nouveau moyen de réunion, et malgré les bonnes raisons que donnait Emmanuel, pour démontrer combien celui-là diminuerait les dangers et faciliterait l’évasion en cas de surprise.

Tout à coup, la parole s’arrêta sur leurs lèvres et ils frissonnèrent en même temps. Ils venaient d’entendre derrière eux comme un froissement de feuilles et de branches. Ils se retournèrent et crurent voir, à travers les arbres, s’agiter une ombre ; puis, quand, saisis de terreur et s’interrogeant d’une muette étreinte, ils eurent fait quelques pas, les branches agitées s’entr’ouvrirent et livrèrent passage à l’ombre, qui s’enfuit en courant.