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de son patron, qui trônait en face de lui dans tous ses atours.

Avoir une semblable femme, l’habiller de dentelle et de soie, la mener au spectacle, et deux fois par an au bal de l’Hôtel-de-Ville, lui paraissait le dernier terme du bonheur. SI comptait ses économies, ajoutées au petit pécule que lui donnerait l’héritage paternel, et supputait le nombre d’années, qu’il avait à attendre, avant d’arriver à ces colonnes d’Hercule de la prospérité.

Malheureusement, en ajoutant toujours les intérêts au capital, la fortune était encore si longue à venir, qu’il désespérait d’atteindre, avant la vieillesse, cette joie réservée à de plus heureux que lui.

Alors, il reportait désespérément sur sa patronne les rêves de sa jeunesse. Il parait de mille grâces ce visage majestueusement encadré d’un bonnet à coques ; il admirait, à toute heure, cette taille mince enserrée dans un corsage bien busqué. Quoique la bonne femme ne fût rien moins que jolie, elle devint pour le malheureux caissier une Beatrix parée de toutes les beautés comme de toutes les vertus, un critérium, qui servait de terme de comparaison à Naigeot, toutes les fois qu’il voulait pour lui-même ou pour autrui, se former une opinion sur le compte d’une personne du sexe féminin. On était agréable ou laide, sotte ou spirituelle, c’est-à-dire, on ressemblait à madame Gobain, on on ne lui ressemblait pas : voilà tout !