Page:Cadiot - Minuit.pdf/107

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Et les années passèrent pour le commis, entre la routine de son abrutissant travail, ses préoccupations constantes d’économie, et son admiration muette pour cette patronne, que le temps ne déflorait point à ses yeux. Un jour vint, où, Naigeot eut quarante ans, deux dents de moins, du ventre et des cheveux gris.

Alors, il aurait pu se marier, car il était devenu pour un cinquième l’associé de son patron. Mais il laissa s’écouler un grand laps de temps avant de prendre énergiquement un parti : puis, il attendit encore, pour choisir, entre toutes les femmes qu’on lui proposait, celle qui lui paraissait ressembler davantage à madame Gobain. Bref, il ne fut bien décidé, que le jour où un événement inouï, terrible, foudroyant, renversa l’édifice de ses espérances, en anéantissant d’un seul coup cette petite fortune si péniblement acquise.

M. Gobain, qui, sans doute, avait comme son commis un idéal de fortune, fit en dessous des spéculations hasardeuses et tomba en faillite. Le concordat signé, il resta au malheureux Naigeot, un dividende infime, qui placé en viager, lui donna trois cents francs de rentes !

Ainsi, après trente années de travail, après s’être refusé tous les bien-être et toutes les joies, il se trouva tout juste réduit à cette misère qu’il avait tant redoutée ! Désormais ses privations n’allaient plus être volontaires, mais forcées ! désormais il faudrait travailler, pour gagner sa vie de tous les jours, et non, pour