Page:Cadiot - Minuit.pdf/127

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il pouvait répondre, en parlant de Paris : — Je l’ai vu, mais je ne l’ai pas regardé !

Cette fois, au contraire, il dévorait tout des yeux : les riches étoffes et les fruits dorés, les diamants aux mille feux et les femmes qui les admiraient. Ici, il commandait un gilet dont les palmes soyeuses l’avaient séduit ; là, il achetait une montre d’or, une chaîne, des breloques, pour se venger d’avoir toute sa vie aspiré à ces choses sans avoir pu les conquérir : plus loin, une tabatière en écaille incrustée, une épingle à cravate, un lorgnon, un col élégant.

Peu à peu, il gagna les passages et la rue Vivienne, marchant toujours dans ce Paris comme dans le royaume des fées. Il était quatre heures, mais il faisait du brouillard, elle gaz s’allumait de toutes parts, mêlant, à travers la brume, ses lueurs rouges au jour expirant. Naigeot allait toujours devant lui, s’étonnant naïvement des splendeurs de cette grande ville, qu’il habitait depuis cinquante ans, comme s’il eût été un étudiant imberbe arrivé la veille de sa province ; s’égarant au milieu des groupes animés qui discutaient sur la place de la Bourse la hausse et la baisse, et jetant l’argent sans compter au-devant de toutes ses fantaisies.

Quand il atteignit le boulevard, il s’était déjà commandé un trousseau complet, qu’il augmentait à chaque pas d’un vêtement nouveau. Enfin il s’arrêta, las de voir briller l’or et chatoyer le velours, les poches pleines, les mains chargées. Il voulut voir les gens riches