Page:Cadiot - Minuit.pdf/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et, des bouffées de sang chaud lui montèrent au cerveau. Il eut un étourdissement.

— Comme je liquiderais vite !… comme je l’emmènerais, moi, son tuteur naturel !… Comme je ferais, bon marché, des Moitessier !…. comme j’épouserais Louise… de gré ou de force, pardieu !

— Avez-vous bien peur, monsieur Naudin ? demanda-t-il à son voisin de gauche, la voix étranglée par l’émotion.

— Oh ! mon Dieu ! non ! — d’abord, puisqu’il faut bien mourir, qu’importe le mal qui m’emportera ? J’ai soixante ans, et ma foi ! la mort me prendra quand elle voudra. J’ai vécu !…

— Vous êtes bien heureux ! s’écria le teneur de livres.

— Et puis, voyez-vous, nous sommes de vieux routiers, nous autres ; nous avons déjà combattu la bête et nous l’avons vaincue. Or, il y a peu d’exemples, que la fièvre jaune revienne deux fois à ses victimes.

— Elle les emporte ou leur fait grâce, dit Ménard.

— Moi, je ne l’ai pas eue, mes amis, et je veux sauvegarder ma responsabilité, dit la veuve gravement ; aussi, dois-je arranger mes affaires à tout événement. Ce soir nous nous réunirons. J’ai fait prévenir ma sœur ; Moitessier viendra et je vous ferai part de mes dispositions.

Chère madame, ne vous effrayez pas ainsi ; vous