Page:Cadiot - Minuit.pdf/166

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— Heureusement qu’il n’y a pas d’avaries à craindre, dit Naudin en montrant le ciel d’un bleu foncé, où brillaient les étoiles comme un semis de diamants.

— Quelle soirée !… Vous n’avez pas de spectacles pareils à Paris, mon frère, demanda la veuve. — Regardez donc un peu là-bas le port qui s’illumine, et le phare de la jetée qui brille comme un soleil, et les vaisseaux qui se balancent, et les vagues qui battent la digue de leur écume phosphorée.

— Vous parlez de la Seine ! mais c’est un ruisseau de boue pour les Américains, ajouta Ménard, qui était Français. Est-ce que l’on peut retourner vivre dans cette vieille Europe quand on s’est accoutumé à nos villes immenses, larges, spacieuses, alignées ? Est-ce que l’on peut croire à des fleuves comme la Seine quand on a vu le Mississipi et ses huit embouchures ?

Naigeot n’écoutait pas. Tout à coup il était tombé dans une absorption étrange ; son front se plissait comme sous l’effort d’une pensée fatale, et ses yeux plongeaient dans le fleuve leurs regards fixes.

— À quoi pensez-vous donc, mon frère ? demanda la veuve étonnée de ce silence.

— À rien… c’est-à-dire… à notre promenade, ma sœur.

— Est-ce que vous regrettez Paris ?

— Paris ! s’écria-t-il avec véhémence ; — oh oui ! Paris, c’est la ville unique au monde !… C’est le port