Madame Naigeot et les commis semblaient pourtant beaucoup s’agiter autour de lui ; mais on eût dit que les étrangers ne les voyaient pas.
— Ma sœur, demanda Naigeot, qui ne comprenant pas l’anglais ne savait que répondre à beaucoup de gens, que dois-je dire à ce Monsieur qui me parle depuis un quart d’heure ?
— Dites-lui que les cent balles de coton seront expédiées à Valparaiso le 15 courant, répondit-elle.
— Mais, ma sœur, pourquoi ne traitez-vous pas cette affaire vous-même ?
— C’est ma tête qui me fait souffrir, mon frère.
À midi, le second déjeuner sonna. Naigeot suivit dans la salle à manger sa sœur et Naudin qui soutenaient une discussion contre Ménard.
En s’asseyant à sa place, il s’étonna que l’on servit les plats devant lui qui ne découpait jamais.
— Monsieur Naudin, pourquoi n’est-ce plus vous qui faites les honneurs ? demanda-t-il.
— C’est le froid qui a réveillé mes rhumatismes, monsieur Naigeot.
— Quand donc reviendra Louise ? hasarda le teneur de livres en tremblant.
— Nous l’aurions ramenée hier si je n’avais pas reçu ce coup, dit la mère. Mangez donc, mon frère !
Mais Naigeot avait laissé retomber sa fourchette ; un frisson glacé parcourait son corps des pieds à la tête. — Suis-je au milieu de trois spectres ? se disait-il.