Page:Cadiot - Minuit.pdf/180

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Il bondit hors de son siège pour s’échapper, mais Naudin le retint de cette main terrible qui l’avait déjà saisi le matin.

— Je crois que vous êtes malade aussi, mon frère, dit la veuve. Si vous n’avez pas faim, faites comme nous, ne mangez pas !

On retourna au magasin. Madame Naigeot et les commis parcoururent les hangars et circulèrent dans toutes les parties de rétablissement. Le teneur de livres les accompagnait d’un œil égaré, et il remarquait que personne ne faisait attention à eux et qu’ils ne parlaient à aucun des esclaves, pas plus qu’aux gens qui entraient et sortaient sous mille prétextes, dans le vaste entrepôt commercial.

Quand ils revinrent s’asseoir près de lui, il éprouva une violente sensation d’épouvante.

Cependant rien n’était changé dans leurs apparences, et les voix qu’il entendait résonnaient à son oreille avec leurs accents les plus connus. Naudin ouvrait des tiroirs et comptait l’argent de sa caisse. Ménard inscrivait les commandes et prenait note des acquisitions.

Autour de lui, il reconnaissait les cris des charretiers, les imprécations des esclaves, le roulement des camions chargés, le grognement sourd du mulâtre qui commandait aux noirs, ce fracas enfin qui faisait la vie de tous les jours.

La journée s’écoula pourtant. Peu à peu, le bruit