Page:Cadiot - Minuit.pdf/218

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une si longue maladie il sera heureux de revoir le ciel en ma compagnie, et il aura cœur à prendre un dernier repas au soleil avant les gelées

— Que te dirai-je ?… Vers une heure la table était servie sur la plate-forme du château, à l’ombre d’une tonnelle à demi dépouillée de ses feuilles, d’où l’on apercevait, par une échappée, un magnifique point de vue des bords du Rhin, tout baigné de vapeur et de soleil.

Le baron, assis dans son grand fauteuil de cuir de Cordoue, découpait un quartier de venaison.

La baronne, un peu pâle et langoureuse, étendait au soleil ses membres délicats.

Autour d’eux, tout le personnel du château contemplait ce spectacle avec une stupéfaction où la surprise était plus forte que l’effroi.

C’était bien aussi la plus ravissante journée qu’on pût voir ! Le soleil brillait de cet éclat radieux qui éclaire certaines journées d’automne d’une lumière si splendide, que la face de notre monde semble en être transfigurée. L’air était attiédi et chargé d’exhalaisons balsamiques et enivrantes ; les oiseaux chantaient pour célébrer le regain de leurs belles amours, et les dernières feuilles, emportées par la brise venaient une à une voltiger sur les terrasses du manoir en faisant miroiter au soleil les chauds reflets de leurs teintes jaunes ou purpurines.

Une petite brise âpre et piquante, qui arrivait du