Page:Cadiot - Minuit.pdf/219

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Rhin, réveillait l’appétit du sire Ulrich. Quant à madame Isobel, elle était plus belle que jamais. Sa beauté même avait pris un caractère étrangement vivace. Tour à tour empressée ou indolente, tantôt elle entourait le baron de ses soins et attirait son intérêt sur mille points ; tantôt molle et sans courage, elle restait tapie au fond de son fauteuil comme une couleuvre sur son nid.

Au dessert une belle et forte nourrice apporta le jeune héritier d’Ulrich de Saul. L’enfant alla jouer sur les genoux de son père, avec une spontanéité qui indiquait une habitude prise ; mais, lorsque le baron, après s’être laissé complaisamment tirer la barbe et les cheveux, voulut le poser sur les genoux d’Isobel, soit que le marmot ne reconnût plus sa mère, soit qu’il eût pour elle un éloignement invincible, il se mit à crier comme un petit diable et à tendre les bras à sa nourrice. — Une chose fort étrange, et que l’on a bien remarquée, c’est que cette aversion ou cette terreur, comme tu voudras, ne fut pas passagère, et que, depuis, jamais le jeune Conrad ne voulut recevoir aucune caresse de sa mère. Ce qui ne l’empêcha point, pauvre innocent ! de mourir bientôt en cette compagnie !

— Depuis ? interrompit Franz, en jetant avec impatience sur les tisons enflammés le reste d’un verre de vin chaud que maître Sturff l’avait forcé d’entamer. — Êtes-vous fou, mon maître, et croyez-vous à tout ce que vous me contez ? — Depuis !… — Mais vraiment ! cette