Page:Cadiot - Minuit.pdf/238

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état, à lui-même. Sortait-il d’un songe commencé la veille, ou bien avait-il vraiment passé sa nuit éveillé, dans la maison de Sturff ? avait-il entendu raconter les choses étranges qui se confondaient dans ses vagues souvenirs… Et Isobel ? était-il vrai qu’il l’avait vue, qu’il lui avait parlé ?

Ces mille idées confuses le jetaient dans une incertitude douloureuse. Ses tempes étaient en feu. Son cœur battait avec une violence effrayante. Il parcourait la ville comme un insensé, heurtant les murailles et les passants, et ne songeant guère ni à sa mère et à sa sœur uni l’attendaient, ni à la promesse qu’il avait laite à Sturff de ne point quitter Cologne de tout un jour.

Ses passions surexcitées bouillonnaient en lui avec une ardeur inconnue jusqu’alors. Il avait entrevu la possibilité d’arriver à Isobel, devenue cent fois plus désirable encore, depuis que les récits de Sturff l’avaient entourée de prestiges, et, pour être aimé d’elle, il aurait traversé l’enfer.

La veille encore, son amour si grand qu’il fût, restait a l’état latent comme tout ce qui est sans espoir. Mais, alors, des horizons infinis s’ouvraient à son orgueil et à ses désirs. À travers les fantastiques souvenirs évoqués par l’élève d’Agrippa, il ne lui restait que la perception d’un être sublime, d’une création idéale satisfaisant à toutes les aspirations du rêveur, à tous les appétits du monstre humain qu’on appelle poète.

Et il se sentait à la fois une soif inextinguible de