Page:Cadiot - Minuit.pdf/274

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cherchant Manoquet du regard, ne verraient pas Mornaix se dresser à ses côtés, ou derrière lui, ou en son lieu et place, enfin comme lui le voyait dans les miroirs.

Il entendait dans sa maison le bruit du réveil ; les pas dans les corridors, les portes s’ouvrir et se fermer, la sonnette de la grille annoncer les fournisseurs ; il sentait approcher de minute en minute le moment où ses domestiques allaient lui apporter son déjeuner, où sa femme allait entrer chez, lui, où un premier regard allait croiser le sien et voir… quoi ?… Lui, ou un spectre accusateur ? lui, ou le fantôme de cet avare maigre, chétif et vieux, qui gisait étendu dans son sang en face de la cachette de son trésor pillé ?

Cette angoisse croissante devint insupportable devant cette crainte odieuse, tous les châtiments de la justice humaine lui semblèrent des jeux d’enfant, et il se souvint à peine de retirer la cassette volée de dessous ses matelas pour la cacher provisoirement dans une armoire. Que lui importait cette preuve si l’ombre du propriétaire était là, réclamant devant tous son bien volé ?

Enfin la clef tourna dans la serrure et la porte s’ouvrit. Ce fut une seconde, mais une de ces secondes pendant lesquelles les cheveux blanchissent.

Madame Manoquet entra.

— Eh bien ! Manoquet, dit-elle, tu sais la nouvelle ?

— Non. reprit le malheureux d’une voix étouffée.