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mettait ses renseignements, ses impressions et les termes du procès-verbal. Toutes les suppositions, toutes les conjectures les plus improbables étaient mises en avant tour à tour. Mais au milieu du concert de félicitations que recevaient monsieur, madame et mademoiselle Manoquet, sur leur nouvelle acquisition, à travers les prestiges qui environnaient cette fortune désormais rangée parmi les plus considérables du département, quel oseur eût laissé faire, seulement en imagination, un rapprochement quelconque entre l’achat des Barbettes et le meurtre du père Mornaix ?

Et pourtant !… il y avait déjà sur ce Cours, si bruyant et si animé, une personne qui ne se laissait aller ni à la curiosité banale, ni à l’orgueil de la richesse. Tandis que la fumée de l’encens grise, pour une heure, l’assassin lui même, un ver rongeur s’est installé au cœur de sa femme. Ce pressentiment, cette crainte qu’elle n’ose encore appeler d’aucun nom, qu’elle repousse, qu’elle étouffe sous les raisonnements, creuse un sillon et y laisse sa trace noire. Elle a peur.

Aussi, malgré la fortune, la vie devint-elle douloureuse à la belle maison de Manoquet. Des incidents bizarres s’y succédèrent, et furent comme les coups de cloche, qui rappelaient la crainte au cœur de la pauvre femme, dès qu’elle se laissait aller à la vie facile en chassant les chimères.

Manoquet devint taciturne et sombre ; mille choses indifférentes lui déplurent ou l’offensèrent. Après les glaces