Page:Cadiot - Minuit.pdf/283

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irrévocablement proscrites, au grand étonnement des gens et des visiteurs, ce fut le tour de toutes les surfaces brillantes, des marbres polis, des meubles luisants, des cristaux et de la vaisselle.

En vain, madame Manoquet cherchait-elle à tout des prétextes et nies excuses ; en vain, déployait-elle, vis-à-vis de tous, cette adresse qui est le génie de la femme, même vulgaire, quand ses grands intérêts de cœur sont en danger. Rien ne pouvait entièrement dérober aux yeux de sa fille, de ses domestiques et de ses amis intimes, les excentricités croissantes de son mari ; rien ne pouvait chasser de sa propre pensée l’inquiétude et le soupçon.

Et puis, Manoquet sortait ! il allait à ses affaires. Si peu que ce fût, il allait voir les gens dont il ne pouvait s’éloigner tout à coup sans éveiller l’attention. Et partout il trouvait des glaces ! et partout, en dépit de ses précautions, il se trouvait, au moins un instant, en présence de l’apparition maudite. Alors il rentrait en proie à la fièvre, au délire. Cette vie devint horrible.

Tantôt, le malheureux, perdant toute espérance, prenait la résolution de jeter au suicide cette existence empoisonnée ; tantôt, il se rattachait par l’ambition à cet espoir qui l’abandonnait sans cesse. Un instant, il croyait entrevoir la fin de son supplice ; il se persuadait qu’à force de volonté, il vaincrait le spectre et dompterait le remords.