Page:Cadiot - Minuit.pdf/295

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dire ? quelques-uns, — des visionnaires aussi, sans doute. — en regardant son visage bouleversé, songent à une autre tête… Adieu, madame.

Quand M. Garraudot fut parti, la pauvre femme, à bout de force et de courage, laissa éclater ses sanglots, en comprenant toute son impuissance contre la mort et le déshonneur. Elle courut chez Élisa et se jeta dans ses bras.

— Mon enfant, s’écria-t-elle, prions pour ton père et que Dieu nous sauve !

Que se passa-t-il dans le cerveau du criminel depuis les dernières paroles du docteur jusqu’à la nuit ? Quels ressorts achevèrent de se détendre, quelles cordes de se rompre ? — Nul ne le sut jamais, car personne ne l’observait, à l’instant précis, où la folie s’y installa victorieuse du bon sens perdu.

Il était seul, il faisait nuit, et il v avait deux mois, jour pour jour, heure pour heure, qu’il avait quitté sa maison par une porte dérobée pour aller porter ses mauvaises pensées dans la campagne.

Sans bruit, mais machinalement et comme mu par un ressort, il s’habilla, sortit par une fenêtre, gagna le jardin, la porte, puis la rue.

Au moment où dix heures sonnaient il entrait au Café de la Mairie.

Toute la ville semblait s’être donné rendez-vous au milieu des débris de la veille. Chaque société, réunie en groupe, oubliait l’heure, entraînée par la chaleur