Page:Cadiot - Minuit.pdf/312

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Marneroy ? lui dit un jour madame de Meillac, en plongeant un regard clair jusqu’au fond de ses yeux.

Rouvières tressaillit.

— Moi, je haïssais Marguerite ? une enfant qui était devenue la mienne ? Que j’ai pleurée autant que vous. Ah ! madame !

— Mais alors pourquoi avez-vous donc si peur que votre fille ne lui ressemble ?

— Peur ? — En vérité, madame, je ne vous comprends plus, s’écria Rouvières devenu pâle.

— Si cette ressemblance et l’illusion qu’elle procure à votre femme ne vous étaient pas si odieuses, vous accueilleriez avec autant de joie que nous cette seconde Pâquerette qui refleurit sur la tige brisée de la première.

— Madame, cette poésie semi-mystique ne m’est guère accessible, je l’avoue ; et, si madame Rouvières trouve une consolation singulière à s’halluciner elle-même, à propos d’une ressemblance fort contestable encore, moi, je n’ai pas vu sans déplaisir imposer à ma fille un nom que je n’avais pas choisi… Je regrette surtout de ne la voir aimée que par souvenir.

L’enfant atteignit deux ans.

Tant que monsieur Rouvières put se persuader que sa femme et sa belle-mère se trompaient, il secoua ses impressions pénibles, et parvint à dissimuler la terreur qui l’agitait par instants. Mais quand la petite fille marcha et parla, il n’y eut plus moyen de se refuser à l’évidence.