Page:Cadiot - Minuit.pdf/314

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dû faire la joie de la famille ; il avait des accès de mélancolie noire, des brusqueries étranges.

Une fois madame Rouvières lui demanda si ce nom de Pâquerette donné à sa fille lui était vraiment pénible à entendre, et s’il fallait le changer.

— Non, non ! s’écria-t-il précipitamment ; et il détourna la conversation.

Néanmoins on essaya d’appeler l’enfant Pauline, et madame Rouvières évita devant lui les comparaisons et les souvenirs.

Mais alors ce n’étaient plus les visions d’autrui qui le torturaient : c’étaient les siennes propres. Que la petite fille portât un nom ou l’autre, pour lui elle était toujours la même, et, quand les habitants de l’hôtel criaient : « Pauline ! Pauline ! le témoignage de ses oreilles et de ses yeux répondait : Pâquerette ! Pâquerette ! »

Avec les mois et les années elle devint encore plus semblable à l’enfant disparue. On avait conservé un portrait de Marguerite de Marneroy, fait un mois avant la catastrophe inconnue qui l’avait enlevée à sa famille, et, pas un étranger n’entrait au salon, sans reconnaître l’enfant qu’il voyait se rouler sur les meubles ou courir dans les corridors. Parmi les anciens amis du général de Marneroy, on s’extasiait sur cette similitude incomparable, et, bientôt le bruit de ce phénomène de ressemblance se répandit. On le cita dans les salons ; Rouvières ne put aller nulle part où il n’en fût question.