Page:Cadiot - Minuit.pdf/315

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Soit que cela le fit réellement souffrir, soit qu’il fût en proie à une sorte de superstition maladive, il s’assombrit encore, prit un caractère irritable à l’excès et ne put contenir, par instants, des mouvements de haine et de terreur à la vue de sa fille. Il avait pour certains de ses costumes, pour quelques-uns de ses gestes, pour des inflexions de voix particulières, une répulsion inexplicable.

Maintenant, c’était lui qui découvrait chaque jour des analogies de plus. C’était lui qui l’appelait Pâquerette sans pouvoir résister à la force de l’évidence.

— Mon ami, lui disait sa femme, je ne comprends pas pourquoi cette ressemblance semble vous rendre si malheureux. Puisque la Providence a voulu nous prendre notre première enfant, n’est-ce pas au contraire une consolation de la revoir en celle-ci, comme si le ciel, touché de nos regrets, avait voulu nous la rendre ?… — Moi, j’essaie d’oublier…, j’y parviens quelquefois… Et je voudrais croire que Pâquerette n’a fait que changer de nom comme sa mère.

— Oui, vous avez raison, répondait Rouvières avec embarras. Mais je ne suis pas malheureux… vous vous trompez.

Et cependant chaque jour son visage s’altérait, ses yeux se creusaient dans leurs orbites : il ne tenait plus à rien : ni à la fortune, ni aux honneurs. À tout prix il aurait voulu fuir la maison conjugale ou éloigner l’en-