Page:Cadiot - Minuit.pdf/48

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pas de caquets, les femmes !… et qu’on me serve à boire, dà !

— Taisez-vous, vous-même, mon fils ! s’écria Bar bel indignée ; votre femme et votre mère ruinent leur santé à filer tout le jour et ne parviennent point à gagner le pain quotidien ; — le temps est venu enfin de reprendre le métier et de faire quelques bonnes aunes de toile ! ce n’est point ici lieu de beuverie, et n’avons point de cause de réjouissance, puisque, loin de devenir un bon chrétien, vous persistez à rester un sale ivrogne sans pitié ni respect pour nous !

— Au diable soit la mère et la femme ! vociféra l’ivrogne furieux, en faisant trembler la maison tout entière d’un formidable coup de poing sur la table massive qui occupait le milieu de la chambre. — Or çà ! laquelle des deux va aller me quérir à boire, les commères ?

Cette exclamation fut suivie d’un instant de silence, et ce silence avait quelque chose de solennel : la vieille tournait son fuseau au coin de l’être sans feu avec un mouvement fébrile ; Ketha tremblait et pleurait, incertaine entre l’obéissance et la révolte.

— M’obéirez-vous, enfin ! suppôts d’enfer ! cria Hermann avec un rugissement ; — m’obéirez-vous ? ou je cogne !…

La vieille Barbel leva au ciel deux yeux glauques l’on aurait pu voir perler deux larmes sanglantes.

— Ne bougez, ma fille ! dit-elle d’une voix tremblante à Ketha qui se levait.