Page:Cadiot - Minuit.pdf/81

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dant, on hésita un instant à le reconnaître. Dix années de douleur ne l’eussent pas changé davantage que ces vingt-quatre heures. Son front s’était plissé de rides nouvelles, ses yeux avaient creusé leurs orbites, ses cheveux de gris étaient devenus blancs.

— J’ai des excuses à vous faire, mon excellente amie, dit-il d’une voix encore émue, en s’avançant vers madame de M*** ; j en ai à faire surtout à notre chère Pauline, pour la désagréable scène que je lui ai rendue en échange de sa bonne caresse d’enfant. Je vous ai paru fou, sans doute, et peut-être le suis-je. Mais vous avez senti sous mes cris une horrible douleur, n’est-ce pas ?

— Docteur, nous sommes ici, tous vos amis, tous incapables d éprouver autre chose qu’une peine sincère à la vue de vos souffrances. Nous ignorions…

— Vous ignoriez que je fusse sujet à de semblables accès ? — Rassurez-vous, chère amie, reprit le docteur Maynaud en s’efforçant de sourire… c’est la première fois… et sans doute aussi la dernière… — car, ajouta-t-il, vous voyez à mon visage, ma chère Pauline, qu’un second baiser semblable ne laisserait plus qu’un cadavre.

— Docteur ! au nom du ciel, qu’avez-vous ? s’écria la jeune fille effrayée des regards du docteur plus encore que de ses paroles.

— Je vous dois l’explication de cette étrange scène, ma chère enfant, ainsi qu’à votre mère et à tous nos