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d’heure roulions-nous ainsi ? Je n’en savais rien, tant les folles rêveries que je viens d’essayer de ressaisir m’absorbaient. Je m’étais si fort enivré de ces illusions évoquées tout à coup par ma première aventure, comme par la baguette d’une fée, que je n’avais pas adressé un mot à ma voisine.

« Je suis un sot, » pensai-je.

Mais la portière s’était ouverte, et en même temps la porte resplendissante d’un des plus célèbres restaurants du boulevard.

« Je suis un sot, et je n’ai que cent sous ! » ajoutai-je en sautant le premier sur le trottoir.

Je lui offris le bras, elle le prit en disant au cocher de nous attendre, puis descendit précipitamment, franchit la porte et gagna l’escalier.

Je la suivis tout troublé au souvenir de ma misère, et aussi par ma timidité de jouvenceau, qui croissait de seconde en seconde.

Rien ne pouvait mieux faire opposition à la hardiesse de mes désirs que l’embarras honteux de mes paroles et de mes façons. On nous avait installés dans un petit salon doré, illuminé, garni de sophas et tapissé de glaces.

— « Que désirent Monsieur et Madame ? nous demandait un garçon vêtu de noir, portant cravate blanche et serviette sur le bras : des huîtres, un perdreau froid, une mayonnaise de homard ? »

Le frisson de la petite mort me courait dans