Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/114

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courait comme un cheval qui a le mors aux dents, et vagabondait à travers les rêves les plus insensés.

« M’y voilà ! Je la tiens, mon aventure ! me disais-je avec ravissement. — Qui est cette femme ? Une duchesse peut-être…, ou bien une danseuse en vogue… Est-elle belle ?… pardieu !… Jeune ?… Eh ! mais, y a-t-il donc de vieilles femmes au bal de l’Opéra ?

« Pour le coup, je vais devenir amoureux…, vraiment amoureux ! Je saurai le charme qu’on éprouve à attendre un rendez-vous durant des journées entières, à rêver longuement d’un signe, d’un sourire, d’un regard échangé à la hâte… — Être amoureux !… quel enivrement adorable !… Et je vais entrer de plain-pied dans ce féerique domaine de l’amour !… Le soir j’irai l’attendre à la sortie d’une église, ou au détour d’une rue solitaire… Le matin au petit jour je descendrai par sa fenêtre… Elle m’aimera follement, je l’ai compris à sa voix… Il me semble la voir m’attendre : elle penche la tête au dehors de ses persiennes, et rougit en me voyant tourner le coin de la rue. Son cœur bat tandis que je monte l’escalier… Elle ouvre la porte… doucement…, et je me jette dans ses bras comme un fou, en la couvrant de baisers… »

Tout à coup, la voiture, qui allait comme le vent, heurta le trottoir et s’arrêta court.

Depuis combien de minutes ou de quarts