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mises et, de temps en temps, lançait une roulade qu’eussent enviée les cantatrices à la mode.

Le bonheur ne se raconte pas. On l’a dit bien souvent, on l’a prouvé plus encore. Dante, qui a fait un immortel chef-d’œuvre en décrivant l’Enfer, a perdu sa puissance quand il a voulu peindre le Paradis. Est-ce parce que nous ne sentons bien que la peine ? Est-ce parce que le bonheur ne nous touche véritablement qu’après qu’il est passé ? Peut-être !

Et puis, l’homme, étant né pour souffrir, chante les angoisses dans sa langue maternelle, tandis qu’il bégaie le bonheur comme une langue étrangère.

Quels poèmes ne ferais-je pas sans cela avec les joies naïves, chastes et délicieuses qui se succédèrent durant trois mois !… Mais, encore une fois, ces ivresses-là n’ont point de paroles pour les exprimer. La musique seule…, la musique de Rossini, peut les rendre !

Un jour, bien cachés sous les stores d’un fiacre, nous allâmes jusqu’au bois de Vincennes. La belle saison était venue, il y avait partout des feuilles et des fleurs. On respirait un air pur et doux.

Ce fut une demi-journée à faire croire que le bonheur des élus descend parfois jusqu’à ce monde.

Marguerite était tantôt rieuse comme une pensionnaire, tantôt extatique comme une